Jean Marie Cavanihac Posté(e) le 9 décembre 2023 Signaler Partager Posté(e) le 9 décembre 2023 LA VIE CACHEE DES OURSINS - par J.M. CAVANIHAC Comment tout commença ? : après une longue et fatiguante observation dans une touffue forêt d'algues microscopiques, soudain, au détour d'un embranchement, je tombais sur ceci qui tenait fermement un fragment de ce qui avait dû être un copépode. : Je me frottais les yeux, rougis par l'observation: était ce un fragment d'un minuscule E.T. ? Comme je ne connaissais pas de crustacés possédant des pinces à trois doigts, je rangeais cette image dans mes 'dossiers X' (des affaires non classées, j'en ai moi aussi ! ...) avec d'autres bizarreries biscornues. Mais la vérité était ailleurs comme je le constatais plus tard en étudiant les oursins. Même les lecteurs habitant loin de la mer connaissent les oursins... à défaut d'y avoir goûté. C'est rond, noir et ça pique ! Quel intérêt microscopique peuvent ils bien avoir ? Je ne parlerai pas de celui du microscope (surtout le stéréo microscope ... ) pour retirer les piquants que l'on récolte dans les pieds, l'été en se promenant dans les vagues, mais de celui d'accessoires (si l'on peut dire...) que porte la coque de l'oursin (le test, pour lui donner son nom scientifique) . L'oursin, dont les ancêtres sont apparus il y a 500 millions d'années, et sont présent dans de nombreux terrains fossilifères, appartient à la famille des échinodermes, de même que l' étoile de mer avec qui, il partage de nombreux points communs et en particulier une symétrie d'ordre 5. Les oursins sont intéressants à plusieurs titres: ce sont des sujets pratiques pour étudier l'embryologie in vitro : un œuf fécondé se développe en quelques heures et divers stades de la larve peuvent être observés. L'un des plus beaux est celui de la larve pluteus avec sa forme de flèche , qui n'avance pas toutefois dans le sens de la flèche mais à l'envers, les 'bras' oraux recouverts de cils rabattant la nourriture vers la bouche placée entre eux (à droite de la photo). Ces bras sont soutenus par des barres de calcaire constituant un véritable squelette interne : Mais le plus extraordinaire ou du moins le plus spectaculaire à mon sens, sont des organes disséminés entre les piquants de l'oursin adulte, plus nombreux autour de la bouche et qui mesurent tout au plus le quart de la longueur de ceux ci . J'aurais pu vous présenter la galerie d'image les concernant et vous laisser deviner à quelle créature (extraterrestre ??) appartiennent ces éléments mais je vous laisse partager le spectacle ... D'abord une petite animation : je précise que l'objet en question est séparé depuis plusieurs heures de l'oursin et que manifestement il continue à travailler pour son propre compte ! (image à x 6) ! Ce modèle n'est pas le seul outil dont dispose l'oursin : il en existe d'autres ci dessous, récoltés toujours sur le même individu avec des formes et modèles variés et des fonctions certainement spécialisées. Je vais arrêter là le suspense et identifier les objets inconnus : il s'agit de pédicellaires, qui sont plus nombreux autour de la bouche et servent à nettoyer le test et les abords de celle ci. Il est vrai que, contrairement à d'autres fruits de mer , les oursins paraissent toujours très propres sans algues, ni concrétions, ni parasites d'aucune sorte collés à eux. Mais la surprise ne s'arrête pas là : on voit par transparence que les 'pinces' contiennent des structures osseuses qui leur assurent rigidité et articulation. Pour en savoir plus j' ai utilisé une solution de Dakin (c'est un antiseptique contenant du chlore stabilisé : l'eau de javel diluée fonctionne peut être mais contient de l'hydroxyde de sodium qui est caustique ) qui dissous la partie épidermique des pédicellaires sans attaquer les osselets, et on découvre des merveilles de finesse avec des systèmes d'articulation sophistiqués, des 'dents' ou des crénelures suivant la fonction du pédicellaire. Certains ont une tige rigide, d'autre un bras souple , les deux portant des cils vibratiles très fins mais que l'on peut deviner aux mouvements des particules environnantes. Sur les photos à droite un autre type d'os de pince et la même en lumière polarisée (X 15) Ces pinces à trois doigts sont appelés triphylus : en voici la totalité des os en position ouverte en lumière polarisée : Comme les osselets sont formés de calcite (carbonate de calcium ) qui possède un pouvoir rotatoire sur la lumière , on peut obtenir de magnifiques images en lumière polarisée . Cela vaut aussi pour la larve : (le champ de la larve pluteus de droite ou l'on voit les barres de calcaire est un peu sombre car ma caméra est insuffisamment sensible pour rendre toute la beauté du spectacle ) . Il semble que ces structures aient un contrôle autonome (les cils de leur tige servent peut être de moyen de détection des intrus) et peuvent résister et continuer à bouger plus d'une semaine dans de l'eau de mer placée dans le réfrigérateur. Les plus impressionnantes sont celles (globifères) qui possèdent les griffes ci dessous (x 6) (c'est celle de l'animation plus haut) : et dont le détail de la griffe indique qu'elles sont venimeuses et conçues pour injecter une substance toxique aux intrus : en effet un canal apparaît clairement dans la griffe supérieure sur la vue de droite (x 40) : Il semble que ces structures aient un contrôle autonome (les cils de leur tige servent peut être de moyen de détection des intrus) et peuvent résister et continuer à bouger plus d'une semaine dans de l'eau de mer placée dans le réfrigérateur. Les plus impressionnantes sont celles (globifères) qui possèdent les griffes ci dessous (x 6) (c'est celle de l'animation plus haut) : et dont le détail de la griffe indique qu'elles sont venimeuses et conçues pour injecter une substance toxique aux intrus : en effet un canal apparaît clairement dans la griffe supérieure sur la vue de droite (x 40) : Ci dessous voici le détail d'un des trois os : (X 15) les griffes sont à droite Comment obtenir des pedicellaires ? inutile d'essayer avec une pince à épiler : elles sont quasiment invisibles au milieu des piquants ! J'utilise la méthode suivante : je place l'oursin vivant que je viens de pécher (je n'ai pas essayé avec des oursins vendus dans le commerce, ) dans un bol avec de l'eau de mer, le coté oral ( la bouche) en haut et je dirige aux alentours de celle ci un fort jet d'eau (obtenu avec une seringue de 50cc). Je recommence deux ou trois fois l'opération en utilisant l'eau du bol pour remplir la seringue, je rend l'oursin à son environnement et je laisse décanter le bol. Les pédicellaires tombent au fond et si vous êtres chanceux (le bol... encore !..) peut être aussi quelques œufs que l'oursin aura laissé échappé dans son émotion. (Ce sont ces œufs, de couleur rouge orangé que les amateurs d'oursin mangent à la petite cuillère...) . Que les âmes sensibles se rassurent, l'oursin va rapidement reconstituer ses pédicellaires cassées comme tous les échinodermes qui ont une faculté de régénération surprenante, l'étoile de mer étant par exemple capable de régénérer en totalité un de ses bras . Juste un petit plus : les oursins sont des animaux attachants et déploient dans l'eau des dizaines de petits appendices ou podia, terminés par une ventouse : la traction est très forte puisqu'il faut tirer fermement pour détacher l'oursin de son support (le bol dans le cas ci dessus) . Lors de cette manœuvre plusieurs podia sont rompus et restent attachés sur le bol par une sorte de ventouse ronde. En appliquant à celle ci le traitement au chlore (on voit d'ailleurs deux bulles de chlore piégées sur l'image de doite ) on obtient les 4 osselets principaux la constituant et d'autres d'une finesse remarquable : Ces quatre osselets semblent porter des griffes sur leur partie externe. (détail à droite x 15). Ils sont tenus et renforcés par une structure carrée centrale que l'on voit bien sur la vue de gauche. Celle ci est séparée du reste dans l'image ci dessous (mais les os ne sont pas cassés, il s'agit de 3 couches de 'feuilles' indépendantes) et le dessin donne une idée de l'organisation de la ventouse d'un podia vu en coupe : Copyright © JM CAVANIHAC Mai 2002 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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