Dominique. Posté(e) le 14 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 14 mars 2018 L’aiguillon de l’abeille. L’abeille comme beaucoup d’hyménoptère peut piquer si elle se sent attaquée.Ce qui surprend est le processus qui fait que le dard se fixe dans la peau et que l’ abeille en essayant de se dégager laisse une partie de son abdomen attachée à l’ aiguillon .La blessure est telle que la survie de l’abeille après la piqure est très courte . Photo emprunté à : http://www.rayne.fr/wp-content/uploads/2015/04/piqure10.jpg Pourquoi un tel résultat ? La chambre de l’aiguillon. L ‘ aiguillon est situé dans une cavité développée à l’extrémité de l’abdomen.Cette cavité est en réalité formée par une modification de la structure des 8 , 9 et 10 éme segments abdominaux – ces segments se sont repliés dans l’ espace circulaire limité par le 7 éme segment – Cette chambre a donc une constitution faite d’ éléments correspondants à la paroi extérieure de l’ abeille mais cachés à l’ intérieur de l’ abdomen . La photo suivante confirme le fait et montre bien que les derniers segments abdominaux sont situés en intra abdominal. (coupe dans le plan sagittal de l’abeille – coloration hématoxyline /éosine ) . Ce qui explique qu’ il est très facile d’ extraire cette chambre ( avec le sac à venin ) en tirant simplement sur l’ aiguillon .Cette extraction entraîne aussi du fait de la présence de nombreuses membranes à extérioriser la partie terminale de l’ intestin . C’est ce qui arrive quand l’abeille veut quitter sa victime après l’avoir piquée. La dissection de l’ abeille permet de mettre en évidence les modifications morphologiques subies par les 3 derniers segments intra- abdominaux qui vont devenir une sorte d’ ossature externe au système vulnérant formant la chambre de l’ aiguillon .( la couleur jaune est liée à l’ acide picrique du bain de Bouin ). La chambre de l’aiguillon est donc formée par les 3 plaques:-- Oblongue (considérée comme le 9 éme segment ) .-- Carrée.-- Triangulaire.Ces plaques vont jouer le rôle de mécanisme pour le système de propulsion du dard. Comment est organisé l’aiguillon ? L’aiguillon est formé par l’assemblage de 3 structures : La photo suivante obtenue par MEB fait mieux comprendre l’organisation. 1 Le Gorgeret qui est constitué de 3 zones.-- 2 bras (droit et gauche) qui fixe le gorgeret sur les 2 plaques oblongues et qui servent de guide aux lancettes)--le bulbe en arrière (dont le dôme supérieur est appelé bouclier).--la gouttière en avant qui se termine en pointe à son extrémité extérieure. 2- 3 Les lancettes droites et gauches qui ont aussi plusieurs parties :--une partie postérieure qui forme une sorte d’arcade qui se fixe à leur partie supérieure sur les plaques triangulaires et carrées. -- il existe à ce niveau, à chaque extrémité interne des lancettes ,une petite glande qui pourrait avoir un rôle de lubrification de la mouvement de glissement des lancettes dans les bras du gorgeret-- une partie antérieure qui glisse dans la gouttière du gorgeret..--la valve portée par chaque lancette se situe sous le bulbe du gorgeret à la sortie du canal du sac à venin. Ces valves droite et gauche semblent jouer le rôle de pompe évacuant le poison vers l’extérieur ( distale ) via le canal à venin. ( photo ci –dessous )--la région qui glisse dans le gorgeret jusque’ à son extrémité.Le gorgeret est creux aussi bien dans la partie du bulbe que dans sa partie distale .La plaque de chitine qui le constitue est ouverte dans sa partie inférieure. Mais dans la zone du bulbe cette fente est fermée par une membrane qui va délimiter un canal à venin. qui se fixe en arrière sur le bord des valves et en avant qui se poursuit vers l’extrémité de l’aiguillon. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Dominique. Posté(e) le 14 mars 2018 Auteur Signaler Partager Posté(e) le 14 mars 2018 (modifié) Schéma de profil : Ce schéma montre que le gorgeret ; dans sa partie bombée postérieure ( appelée aussi bouclier ou bulbe )se prolonge sur les deux côtés par des bras qui vont aller se fixer sur la plaque oblongue .tandis que les lancettes glissent dans ces bras et vont se fixer sur la plaque triangulaire . Organisation d’un aiguillon : Coupe de l’aiguillon - (coupe de 6 µm d’épaisseur --coloration hématoxyline /éosine) Seconde coupe plus externe et donc plus proche de l’extrémité de l’aiguillon. Ces 2 photos mettent bien en évidence les trois structures de l’aiguillon.On constate que le glissement des lancettes sur le bord du gorgeret est assuré par glissière très ajustée.Au centre de la structure on retrouve le canal à venin qui conduit le venin jusqu’ au 1/ 5 terminal de l’aiguillon.Il faut noter que les 3 structures de l’aiguillon sont creuses. Fonctionnement de l’appareil vulnérant De part et d’ autre de l’ aiguillon on trouve des extensions qui sont les palpes - Ces palpes ont un rôle sensitif qui permet à l’ abeille de déterminer son contact avec la surface de sa victime .Le rôle de ces palpes serait de déclencher la poussée maximale des muscles des plaques aboutissant à la perforation des téguments de la victime . Le mouvement de l’ aiguillon est déterminé par le mouvement des deux plaques triangulaires qui tournent autour de la charnière située entre la plaque triangulaire et la plaque oblongue sous l’ effet des muscles de cette région . Il semble donc y avoir 2 temps :Implantation de l’aiguillon (gorgeret et lancette ) sur une faible épaisseur ( muscles de la plaque oblongue )Puis propulsion des lancettes de manière plus puissante et plus profonde –( muscles de la plaque triangulaire ) qui rentra le retrait impossible . Pourquoi l’abeille ne peut pas se décrocher ? L’ aiguillon a des barbelures fortement développées qui agissent comme pour les harpons .Leur taille et leur orientation rendent leur extraction très difficile , - de ce fait elle ne peuvent plus se retirer sans créer des lésions d’ arrachage - la peau étant plus résistante que le segment terminal de l’ abeille , ce sont les organes de l’ abeille qui cèdent les premiers. Comparaison avec un dard de frelon asiatique: Le frelon a aussi un dard qui a des barbelures mais elles sont très petites ; elles n’ ont pas d’ effet harpon et de ce fait peuvent se retirer .Cela permet au frelon ou la guêpe de piquer plusieurs fois . ( dire que ces deux hyménoptères ont un dard lisse n’est donc pas exacte ) . Le venin : L’appareil vulnérant est associé à des glandes productrices de venin et à système de stockage.La dissection d’une abeille dont les tissus ont été durcis par un bain de quelques jours dans le Bouin met en évidence la poche à venin . Cette poche s’ ouvre à l’ extrémité interne du bouclier du gorgeret pour y déverser le venin emmagasiné . Il existe 2 glandes à venin que l’on peut appréhender sur une dissection d’abeille non préparée : Donc 2 glandes à venin :Une glande à venin dont le produit va s’ accumuler dans le sac à venin .Cette glande est formée par 2 tubes délicats qui convergent vers un tube commun .Celui-ci se vide dans la poche à venin .Ce sont les parois de ces tubes qui sont couvertes par un épithélium sécréteur qui produisent le venin . (en raison du Ph on parle de glande acide) . Une glande secondaire ou petite glande à venin dont la sécrétion aurait un caractère alcalin. La poche à venin. Cette poche est formée par une fine membrane de chitine. Cette poche à venin a une paroi qui contient des muscles striés - dont la contraction va , du fait de leur position circonférentielle réduire le volume de la poche .Ces muscles vont permettre que la poche se vide doucement après la piqure réalisée - elle fait donc partie des organes arrachés lors du départ de l’ abeille - elle met toujours quelques minutes pour se vider d’ où la nécessité pour la personne piquée de pousser l’ aiguillon ( par exemple avec une lame de couteau ) pour enlever le dard mais sans réaliser de compression qui accélérait le processus de la vidange du contenu .Coupe d’une poche à venin - coloration Hématoxyline / éosine . Conclusion :L’ extrémité des lancettes est armée de barbelures qui sont développées chez l’ abeille est qui du fait de leur action de harpon ne peuvent plus se retirer sans créer des lésions d’ arrachage - la peau étant plus résistante que le segment terminal de l’ abeille , l’ arrachage à lieu chez l’ abeille et non sur la victime .Pour pouvoir piquer il a fallu que s’organise :Un ensemble glandulaire de production d’un venin efficace.Un ensemble de pompes - valves des lancettes et muscles de la poche à venin.Un système de projection du dard (plaque carrée et triangulaire avec les muscles qui fonctionnent comme les propulseurs de lance de nos ancêtres)Un système vulnérant -qui se fixe sur la victime. - qui apprécie les distances et le positon correct du dard. - qui se décroche facilement de l’insecte grâce à une forte fixation sur la victime. Avec un conteneur à venin qui va se vider complétement par une succession de contraction.Une fuite rapide de l’abeille qui fait que la victime ne peut pas se débarrasser rapidement de l’organe qui est entrain de l’empoisonner puisqu’ il reste coller. Pour certain l’aiguillon serait dû à l’évolution de l’organe de l’oviscapte ou ovipositeur qui existe par exemple chez la sauterelle mais aussi chez un grand nombre d’insectes hyménoptères qui est l’ordre où se situe les abeilles. http://passion-entomologie.fr/ovipositeur-parasitoide-structure/ Quelle est la chimie du venin ? L’étude du venin a été très poussée. Pour obtenir d’ importantes quantité une technique de traite a été mise au point -Elle consiste à mettre les abeilles sur une toile de nylon et à faire passer des chocs électriques de faible intensité mais de fréquence élevée pour obtenir que les abeilles se mettent à piquer . de cette manière on recueille dans un récipient situé sous la toile un venin très pur que sera séché pour obtenir une poudre blanche . ( 1969 Benton et all ) Une ouvrière fournit ainsi environ 0,1 à 0,2 ml de venin .Si ce sont des reines de moins de 3 jours la quantité recueillie est 3 fois plus importante.Le tableau ci-dessous donne les pourcentages des produits les plus importants sur les 63 composés découverts dans le venin d’abeille. La melittine représente 40 à 50 de la composition du venin . ce produit est un facteur destructeur ( lytique ) de la membrane cellulaire (https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9littine ) si vous être intéressé par la chimie du venin - ref https://pdfs.semanticscholar.org/759b/60f604ffd4ce74395f278d686c82fb99b065.pdf References :La principale référence est :https://naldc.nal.usda.gov/naldc/download.xhtml?id=CAT31027153&content=PDF . article écrit en 1910 - page 75 à 85 Dominique . Modifié le 15 mars 2018 par Dominique. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Buteo Posté(e) le 15 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 Bonjour Dominique,comme d'hab. un super travail didactique.Buteo Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
JPL80 Posté(e) le 15 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 Merci DominiqueJ'apprends beaucoup de choses.JPL80 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
patrice duros Posté(e) le 15 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 Hello Dominique,Bravo pour ta précision à traiter ce sujet piquant :D :) Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Jean Marie Cavanihac Posté(e) le 15 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 Bonjour Dominique Sujet passionant que je verrai bien figurer dans le magazine!AmitiésJMC Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
solito de solis Posté(e) le 15 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 @Domvraiment belle documentation.Me rappelle la structure aussi complexe mais sans barbules du proboscis des moustiquesComment ce dard d'abeille doit-il donc être retiré dès lors ?SDS Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Jean-Louis Yaïch Posté(e) le 15 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 Dominique,Magnifique photos et quel travail !.. et quelle limpidité dans tes exposés.Bravo !Bien amicalement,Jean-Louis Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Dominique. Posté(e) le 15 mars 2018 Auteur Signaler Partager Posté(e) le 15 mars 2018 Bonsoir Merci beaucoup pour vos appréciations. Solito de Solis pose la question de la conduite à tenir devant une piqure d’abeille. . Dans ce cas, retirez rapidement le dard avec l’ongle ou avec le bord non tranchant d’un couteau (en glissant parallèlement à la surface de la peau) ou d’une carte de crédit. N’utilisez pas de pincette, la glande à venin pourrait libérer encore plus de venin. Le venin est thermolabile, ce qui signifie qu'il peut être inactivé en l'exposant à une source de chaleur entre 50 et 58 °c : Il faut chauffer au maximum de la chaleur supportable sans se brûler la peau. Cela dépendant de la tolérance de chacun .54°C c’est la température recommandée de l’eau dans un chauffe-eau - Un linge imbibé d’eau chaude par séance de 5 minutes répétée 2 à 3 fois suffit . Amicalement Dominique . Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Jean-Luc Bethmont (Picroformol) Posté(e) le 16 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 16 mars 2018 Bonjour Dominique, Super exposé très détaillé qui , encore une fois, a dû necessiter beaucoup de travail.Cordialement,JL Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
jynxtrop Posté(e) le 16 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 16 mars 2018 Bonjour Dominique, très bel exposé et superbement illustré. Je me demande pourquoi l'évolution a abouti à ce mécanisme de défense et de survie ultra sophistiqué (aiguillon, venin, mécanisme ...) mais qui conduit pourtant parfois à la mort de la pauvre abeille . Tout cela à cause de barbelures. Curieux, non?Peut-être que l'abeille a plus souvent à se défendre d'agresseurs à la peau moins épaisse que la notre ? L'évolution finissant par à une sorte de compromis, en privilégiant une efficacité la plus large possible, avec un risque d'y rester néanmoins quelques fois.... avec les grosses bêtes à peau dure ! Stupéfiant la Nature ! Amicalement, Jean-Louis Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
pablito Posté(e) le 16 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 16 mars 2018 Mais il faut penser pour les abeilles collectif et non individuel Une ou plusieurs abeilles se sacrifient pour préserver la ruche C’est l’union qui permet au groupe de passer l’hiver (par exemple ) et on ne peut pas raisonner au niveau d’un seul individu Pierre Ps : merci itou pour ce sujet Dominique Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
solito de solis Posté(e) le 16 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 16 mars 2018 @une précision ?Peu importe comment le dard est enlevé du lieu de la piqûre car celui-ci poursuit son action dans le temps.Les barbules du dard avec les mouvements superficiels de la peau ou de l'épiderme de l'endroit atteint, continuent en effet de pénétrer.Le plus rapide est mieux et peu importe comment extirper le dard.Ce que dit Dominique au niveau de la thermolabilité du venin est très exact, bien sûr. Par contre, il est bon de se souvenir comme Pierre le dit tacitement, que les ouvrières ne se reproduisent pas et donc qu'elles n'ont aucun intérêt autre que celui de la ruchede la reine etc... L'autotomie des abeilles déclenche après la piqûre d'un mammifère et émanant de leur système endocrinien des phéromones qui se propagent dans l'air etstimulent les systèmes perceptifs des autres abeilles si elles sont proches, excitant leurs glandes à venins, préparant leurs dards afin de piquer tout ce qui bouge autour de la ruche. cdltSDS Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
solito de solis Posté(e) le 16 mars 2018 Signaler Partager Posté(e) le 16 mars 2018 petite correctionL'autotomie des abeilles déclenche après la piqûre d'un mammifère et émanant de son (celui du mammifère) système endocrinien... Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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