Dominique. Posté(e) le 17 novembre 2019 Signaler Partager Posté(e) le 17 novembre 2019 (modifié) La chute des feuilles L’automne est cette période où les forets prennent des couleurs souvent somptueuses .Le manque de lumière va aboutir à la dégradation de la chlorophylle pour laisser apparaître les pigments sous-jacents : les carotènes oranges - les anthocyanes pourpres - les xanthophylle jaunes . Toutes ces couleurs annoncent la senescence prochaine des feuilles et leur chute.. La chute des feuilles en masse est la caractéristique des plantes décidues qui perdent leurs feuilles avec l’ arrivée de la mauvaise saison .Pour les plantes sempervirentes ( type pin - sapin -chêne vert ) les feuilles ont des durées de vie de 2 à 5 ans .Il y a 2 types de plantes décidues. Les plantes à feuilles caduques où la chute est synchrone Les plantes marcescentes où la chute est asynchrone et où la chute sera très étalée en fonction du vent. La présentation va se faire en deux parties :Examen morphologique de la chute des feuilles de 5 végétaux.Exposé de l’interprétation actuellement en vigueur de ce phénomène.Examen morphologique :Le bouleau :Les feuilles du bouleau jaunissent et ne font que commencer à tomber (on est fin octobre) .Panorama de 9 images.Coloration Aslim III . de Klaus . -- Bois de la branche. -- Début du bourgeon qui finit sa formation et se met en attente du prochain printemps. -Pétiole : zone de rupture de l’axe vasculaire du pétiole dans son raccordement avec celui de la branche. --Zone d’abscission au premier stade qui est celui de la destruction cellulaire selon un plan qui sectionne la base du pétiole.La zone d’ abscision :A –Zone de dépôt de subérine qui va protéger les cellules de la branche après le départ de la feuille.B – Apparition sur le bord de la zone d’abscission de petites cellules allongées - et aplaties non encore lignifiées .C – Zone de destruction cellulaire : les cellules sont vides, leur paroi commence à se lyser. Le hêtreLa photo du haut : Le stade initial avec le développement d’une zone où les cellules sont modifiées 1 - les vaisseaux commencent à se boucher . 2 – La prise de colorant différente entre la base du pétiole et la partie au-dessus met en évidence une modification des caractéristiques chimiques des constituants Photo du bas :Le stade final le pétiole est quasi détaché - A ce moment-là le bouchon de subérine (A) est bien développé et ici bien évident. Photo du haut : Détails sur le processus de la désorganisation du système vasculaire :L’architecture est perturbée et la continuité des vaisseaux est altérée.Photo du bas :En 1 on retrouve cette bande cellulaire caractéristique.En 2 l’extrémité des vaisseaux développe des bouchons. :Les thylles qui sont des intrusions dans la lamelle moyenne de la paroi des vaisseaux et qui vont fermer les ponctuations des vaisseaux ,les rendant non fonctionnels . Dans un second temps cette zone va se subériser . Le poirier Ces deux photos mettent aussi en évidence la dégradation du système vasculaire.La photo du haut a été réalisée sur une feuille verte mais en début d’ octobre .A cette période rien n’ est visible mais la désorganisation du système vasculaire est en cours La photo en dessous a été réalisée 3 semaines plus tard – la feuille est jaune le système vasculaire est détruit ( A ) .Le trait d’ abscission commence à être visible . La photo du haut met en évidence que le maintien de la feuille , après la destruction cellulaire ,est obtenu par les vaisseaux ( xylème et phloème ) seulement .Une agitation des feuilles par le vent n’aura aucun mal à les faire tomber.Sur la photo du bas on constate que la feuille se détache alors que la zone cicatricielle de la tige est totalement subérisée : sa protection est donc efficace. Le tilleul Chez le tilleul on constate que, là encore, l’obstruction des vaisseaux est un point important du processus. Ici l’ obstruction se fait dans la tige elle –même la flèche indique l’ endroit ( la photo n’est pas terrible mais la préparation de la tige de tilleul a rencontré un phénomène étrange - une substance gluante s’ est formée en abondance malgré un essai d’ ablation il en est resté ce qui donne ces formations vertes filamenteuses ) . Le tilleul réalise l’ abscission du pétiole alors que la zone cicatricielle du côté de la tige n’est pas totalement ébauchée - la zone de la cicatrice est donc une zone de fragilité durant cette période ( A ) - Sur la photo les vaisseaux ont commencé la suberisation des thilles . Ces 4 exemples développent le même processus - l’ abscission du pétiole sur la tige mais d’ autres plantes vont réaliser cette abscission soit entre le pétiole et la tige soit entre la feuille et le pétiole . 2 exemples le marronnier et la vigne : Le marronnier L’histologie du pétiole de marronnier à la fixation sur la tige est identique à ce que nous avons déjà vu A désorganisation des vaisseaux.B développement d’une plage de petites cellules allongées.C début d’ abscission au centre du pétiole . L’ abscission à l’union du limbe de la feuille et de son pétiole n’ est différente que par l’ absence de suber de la zone cicatricielle - cette élaboration n’ est ,en effet , pas utile puisque le pétiole sera éliminé quelques jours plus tard grâce à l’abscission distale . La vigne 2 zones d’ abscission possibles :--- Soit à l’ union pétiole - limbe de la feuille Comme pour le marronnier cette zone est marquée par une altération des vaisseaux et l’absence de suber (du moins au moment de la chute de la feuille). --Soit à l’ union de la tige et du pétiole : Cette abscission est marquée par la formation d’une volumineuse zone de suber avant même la chute de la feuille ( A ) . Explication du phénomène. L’abscission est un phénomène complexe où vont intervenir : --Le soleil qui agit sur les cytochromes de la feuille ( chromoproteine qui presente deux positions ( isomére ) dont l’ un est actif biologiquement et l’ autre non . d’où modification ionique surtout Ca et par conséquent électrochimique sur les membranes cellulaires ) nb. : La lumière rouge favorise la forme inactive, la lumière blanche la forme active. --Les phyto hormones –Auxine – Cytokinine – Acide Abscissique – --Un gaz ; l’éthylène. ( produit à partir de la méthionine qui est un acide aminé – essentiel pour l’homme )--Les enzymes : cellulase – pectinase .--Les gènes. La chute de l’ensoleillement est le facteur principal mais pas le seul ; la sécheresse peut aussi mettre en route le processus de la chute des feuilles. Le processus est d’ abord purement chimique.Les feuilles vont commencer à se vider de leurs nutriments .Ces nutriments vont être mis en réserve dans le tronc de la plante. 2 phyto hormones vont voir leur production diminuer dans la feuille L’auxine ou acide beta indolacetique ( AIA) dont le rôle est de stimuler la croissance et de maintenir la tige intacte .Les cytokinines la principale est la Kinetine ( ( 6 furfur aminopurine ) qui ont pour rôle la stimulation de la croissance cellulaire , le ralentissement du vieillissement ( la senescence ) . Avec les jours courts la feuille se met à synthétiser de l’acide abscissique ( Sesquiterpene C15 ) ( autrefois appelé Dormine ) Cette substance qui sur les graines inhibe la germination - va stimuler le processus d’ abscission pour les feuilles et pour les fruits par deux mécanismes :--la synthèse d’éthylène ( qui normalement est bloquée par l’ auxine ) --la production d’un ensemble d’enzymes les cellulases ,les pectinases ou des polygalacturonases ( qui vont hydrolyser les constituants de la membrane cellulaire.). L’éthylène ( H²C=CH² ) gazeux qui stimule la maturation des fruits ( utilisation industrielle ) va aussi stimuler l’ abscission et la senescence de la feuille L’éthylène va en effet agir sur le niveau de la répression et de la dérépression de certains gènes, donc sur celui de la synthèse de certaines enzymes.L’éthylène va aussi favoriser la diminution de la production d’auxine par les feuilles.Pour la petite histoire en 1901 : on remarqua que les feuilles des plantes situées à proximité des lampadaires (à bec de gaz) tombaient prématurément. Les points positifs de la chute des feuilles :L’intérêt pour l’arbre est multiple -- intérêt pour l’ élimination de déchets : la feuille est la zone d’ évaporation ; la sève brute apporte un grand nombre d’ ions mais tous ne vont pas être utilisés en particulier l’ ion Calcium - on constate d’ ailleurs une charge très importante dans la partie terminale des tiges dans les pétioles et dans les feuilles en cristaux d’ oxalate de calcium .-- on a vu que les nutriments et les produits de dégradation des feuilles sont mis en stock dans les cellules de réserve du tronc .qui seront réutilisés pour les nouvelles feuilles du printemps.-- Comme la sécheresse, le gel provoque des phénomènes d’embolie, car les gaz dissous dans la sève sont peu solubles dans la glace et forment des bulles d’air. C’est l’embolie hivernale. En tombant avant les gelées les feuilles évitent cette destruction et prennent ainsi le temps de rapatrier leurs nutriments dans les troncs .. Ref -- Traité fondamentale de Botanique Ulrich Lüttge et col Edition TEC er DOC 2002. P 503 526-- Biologie et physiologie végétale S Meyer et col Edition Maloine .P 372 -373- -Botanique général Wilhelm Nultsch edition De Boeck 1998. P 466 – 560 . Dominique. Modifié le 17 novembre 2019 par Dominique. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
jmaffert Posté(e) le 18 novembre 2019 Signaler Partager Posté(e) le 18 novembre 2019 Très intéressant, merci Dominique Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
JPL80 Posté(e) le 18 novembre 2019 Signaler Partager Posté(e) le 18 novembre 2019 Un article passionnant, et une chose que je découvre: les nutriments des feuilles sont "rapatriés" dans le tronc avant la chute de celles-ci.Peut-on assimiler ces nutriments à de la sève élaborée, et cette migration se fait-elle par les mêmes canaux (vaisseaux du phloème)?Merci pour ce formidable partage de connaissances Dominique.Jpl80 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Jean Marie Cavanihac Posté(e) le 18 novembre 2019 Signaler Partager Posté(e) le 18 novembre 2019 Bonjour, belle étude comme à l'ordinaire !Intéressante analyse du processus de chute des feuilles qui illustre un phénomène auquel nous ne prêtons plus attention et qui mets en jeu des mécanismes complexes... Amitiés,JMC Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
solito de solis Posté(e) le 18 novembre 2019 Signaler Partager Posté(e) le 18 novembre 2019 Toujours étonnant ce que présente Dominique, préparant secrètement ses sujets, il nous les offre ensuite avec élégance et belle documentationJe me demandais à quel point cet événement qui a lieu au niveau de l'attachement des feuilles à l'arbre et à leur détachement se traduit au niveau des racinespar des comportements parallèles et si on pouvait imaginer les illustrer. Que se passe-t-il au niveau des radicelles et de la relation avec les mycorhizeslorsque les feuilles de l'arbre ne fonctionnent plus en tant que machines à photosynthèse ? cordialement, merci pour l'instructionSDS Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Admin Tryphon T Posté(e) le 18 novembre 2019 Admin Signaler Partager Posté(e) le 18 novembre 2019 Bonjour, Encore une excellente étude ! Pour ma part, je fais souvent des "études" uniquement en pensée.Je retiens des phénomènes curieux et parfois, d'autres phénomènes curieux se rattachent aux premiers et des debuts d'explications s'installent, contredites ou confirmées parfois par les suivantes. J'avais remarqué que certaines branches de mes chênes, restaient vertes, alors que toutes les autres feuilles commençaient à jaunir et à tomber.Mon idée était que la chute des feuilles était génétiquement programmée et que l'arbre ne pouvait pas exercer cette programmation sur des branches qui ne pouvaient pas recevoir la sève contenant des "signaux" pour cette chute.J'avais d'ailleurs écrit ceci en 2015 : Il y a quelques années j'avais fait une observation inattendue .Au printemps, de nouvelles feuilles apparaissent sur les branches de mes chênes, qui sont dépouillées depuis l'automne du vieux feuillage.Or certaines rares branches, portent des feuilles séchées de l'an passé, toujours en place.De plus les couleurs sont plus "fraîches" que celle des feuilles tombées au sol !Donc la question : pourquoi certaines feuilles sont tombées (peut-être 99,9%) et que certaines autres sont restées intactes, sèches mais toujours en place ?Toutes les feuilles devraient rester intactes ou être tombées.L'explication ne demande pas beaucoup de réflexion.Normalement les feuilles de ces chènes, leur rôle terminé, sont programmées pour tomber.Les feuilles restées sur la branche sont des feuilles qui n'ont plus été alimentées par l'arbre, la branche est cassée ou les canaux conducteurs de sève bouchés par des champignons.Ces feuilles sont mortes jeunes, accidentellement et n'ont pas l'occasion de séparer activement de l'arbre.L'arbre a appris, au cours des millénaires à se débarrasser de toutes ses feuilles devenues inutiles et même encombrantes, avant que les vents d'hiver et les intempéries (neige, givre) ne risquent de casser les branches.... Dans l'idée de la programmation, une nouvelle information est venue s'ajouter à mes réflexions sur la chute des feuilles d'arbres.Il existe un bambou, (Phyllostachys bambusoides) qui ne fleurit que tous les 120 ans, mais surtout au même moment partout dans le monde.(pas par télépathie !) Je suppose que tous ces bambous sont issus d'une même souche chinoise et qu'à partir de là, c'est la même horloge génétiquement programmée qui le fait fleurir quelle que soit l'endroit où il a été implanté dans le monde.. De la même manière, le "cactus de Noël" (Schlumbergera x buckleyi) fleurit au début de l' hivers sous nos climats, car il est originaire du Brésil, décalage horaire oblige.http://forum.MikrOscOpia.com/topic/3473-schlumbergera-x-buckleyi/?hl=schlumbergera Un peu comme la migration des oiseaux, le comportement des plantes, prend son origine dans les temps "géologiques".Il doit falloir une sélection naturelle + une programmation génétique acquise pour en arriver à ce résultat.On suppose que les grandes migrations (oiseaux mais aussi mammifères africains) ont une origine dans des modifications climatiques régulières et de grande amplitude.De même les arbres perdraient leurs feuilles en prévision des grands vents d'hivers afin de ne pas casser sous les raffles... Amicalement. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Jean-Luc Bethmont (Picroformol) Posté(e) le 21 novembre 2019 Signaler Partager Posté(e) le 21 novembre 2019 Bonjour Dominique, je viens de terminer la lecture attentive de ton article et je ne pensais pas que la chute des feuilles faisait intervenir autant de processus physiques ou chimiques.....très interessant ! Amicalement,JL Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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